Retour sur une jurisprudence mouvementée
L’article 07 de la Convention OIT N° 158 sur le licenciement, entrée en vigueur le 23 novembre 1985 dispose :
« Qu’un travailleur ne devra pas être licencié pour des motifs liés à sa conduite ou à son travail avant qu’on ne lui ait offert la possibilité de se défendre contre les allégations formulées….. ».
Depuis 2006, la Cour de Cassation rappelle de manière constante que la Convention n° 158 est « directement applicable ». (Cour de cassation, chambre soc. 1er juillet 2008 n° 07-44124 )
. L’entretien préalable, qui constitue la phase préparatoire de la procédure de licenciement, impose à l’employeur d’abord d’expliciter très loyalement les griefs reprochés au salarié, ensuite d’engager un débat contradictoire lui permettant d’obtenir toutes les précisions souhaitables, et enfin de prendre une décision éclairée. S’est ainsi posée la question de savoir si la lettre de convocation devait comporter les griefs contre le salarié dans la lettre de convocation, afin que celui-ci puisse préalablement à l’entretien préparer sa défense.
Un arrêt de la CA de Paris rendu le 7 mai 2014, extrêmement commenté par la doctrine, avait répondu par l’affirmative :
« La cour considère en effet que l’entretien préalable constituant la seule étape de la procédure pendant laquelle le salarié a, légalement, le droit de s’expliquer sur les faits qui lui sont reprochés, avec l’aide d’un défenseur, le respect des droits de la défense implique effectivement, que celle-ci puisse être préparée, dans la perspective de l’entretien préalable en connaissance de cause, c’est-à-dire en connaissant, non seulement la sanction que l’employeur envisage de prendre, mais surtout les reproches que l’employeur s’apprête à articuler à l’encontre de son salarié.S’agissant d’une garantie de fond, ce manquement dans le respect des dispositions de la Convention 158 de l’organisation internationale du travail, mais aussi d’un principe fondamental pour le respect des droits de la défense, entache également de nullité ledit licenciement. »(CA Paris, Pôle 6 Chambre 6, 7 mai 2014)
S’agissant d’une garantie de fond, ce manquement dans le respect des dispositions de la Convention 158 de l’organisation internationale du travail, mais aussi d’un principe fondamental pour le respect des droits de la défense, entache également de nullité ledit licenciement. » (CA Paris, Pôle 6 Chambre 6, 7 mai 2014)
Ainsi, l’absence de mention des griefs au sein de la lettre de convocation entrainait la nullité du licenciement ; ce principe étant cohérent, la violation d’un principe fondamentale entrainant nécessairement cette sanction.
Ce principe avait été réaffirmé par un jugement du Conseil de prud’hommes d’Evreux rendu le 26 mai 2015 en sa section encadrement.
De même, la Cour d’Appel de Paris avait rendu le 3 juillet 2015, une décision confirmant la nécessité pour l’employeur d’indiquer les griefs au sein de la lettre de convocation ; En revanche, la sanction était non pas la nullité mais la requalification du licenciement en un licenciement abusif.
« En application de l’article 7 de la Convention n°158 de l’OIT un licenciement ne peut intervenir sans que le salarié n’ait la possibilité de se défendre contre les allégations formulées par son employeur. Cette convention, ratifiée par la France est d’application directe.
En outre l’article L.1232-1 du Code du travail dispose que l’’employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque avant toute décision à un entretien préalable. En l’espèce, la lettre de convocation à l’entretien préalable au licenciement du 28 juillet 2011 est libellée en sa première phrase, comme suit :
Nous vous informons que nous sommes amenés à votre égard une mesure de licenciement. » et la suite du courrier ne comporte l’indication d’aucun reproche ou grief, ni même d’aucun fondement personnel ou économique du licenciement.Dès lors, il convient de relever que ce courrier, qui ne comporte l’indication d’aucun grief, est formulé de telle sorte qu’il s’en déduit que la mesure est déjà prise.Une telle décision ne peut être prise avant l’entretien préalable qui est le moment où le salarié peut exposer ses arguments et s’expliquer sur les faits qui lui sont reprochés.Une telle décision prise prématurément, prive le licenciement de cause réelle et sérieuse sans qu’il ne soit besoin d’examiner le détail des griefs. »
La décision de la Cour de cassation du 6 avril 2016
La Cour de Cassation a pu se positionner au cours d’avril 2016 sur cette question juridique et considère que l’employeur n’est finalement pas tenu de préciser dans la lettre de convocation à l’entretien préalable les griefs allégués au salarié.
L’entretien préalable qui permet au salarié de se défendre, répond à lui seul à cette exigence de loyauté et du respect des droits de la défense.
« Sur le second moyen :
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt de débouter le salarié de sa demande de nullité du licenciement pour non-respect du statut de délégué syndical et de ses demandes subséquentes de remise en l’état du contrat de travail, de paiement des salaires depuis le 14 octobre 2009, de délivrance des bulletins de paie depuis son licenciement, de condamnation au paiement du salaire net résultant des fiches de paie évoquées, de condamnation de son employeur à lui verser une provision pour la période couverte par la nullité de la rupture et d’indemnité pour licenciement nul d’au moins douze mois de salaire, alors, selon le moyen, qu’aux termes de l’article 7 de la convention OIT n° 158, un licenciement ne peut intervenir avant que le salarié ait eu la possibilité de se défendre contre les allégations formulées par son employeur ; que la lettre de convocation à l’entretien préalable à un éventuel licenciement, lequel a pour objet d’examiner contradictoirement les griefs reprochés par l’employeur, doit indiquer avec une précision suffisante ces griefs afin de permettre au salarié de préparer utilement sa défense ; qu’en jugeant que l’énonciation de l’objet de l’entretien dans la lettre de convocation et la tenue de l’entretien au cours duquel le salarié, qui a la faculté d’être assisté, peut se défendre satisfont aux droits du salarié, la cour d’appel a violé l’article 7 de la convention OIT n° 158 et les articles L. 1232-1, L. 1232-2 et L. 1232-3 du code du travail ;
Mais attendu que l’énonciation de l’objet de l’entretien dans la lettre de convocation adressée au salarié par un employeur qui veut procéder à son licenciement et la tenue d’un entretien préalable au cours duquel le salarié, qui a la faculté d’être assisté, peut se défendre contre les griefs formulés par son employeur, satisfont à l’exigence de loyauté et du respect des droits du salarié ; que la cour d’appel qui a constaté que l’entretien préalable avait été tenu régulièrement a, sans violer les droits de la défense, légalement justifié sa décision ; »Cour de cassation, 6 avril 2016, n°14-23.198