Géolocalisation du véhicule professionnel et licenciement pour faute Preuve

Géolocalisation du véhicule et licenciement pour faute

  1. L’employeur doit privilégier le mode de contrôle le plus respectueux de la vie privée du salarié :

Selon l’Article L 1221-1 du Code du travail, « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».

 Ainsi, si un employeur peut légitimement décider de mettre en place de tels dispositifs de contrôle, il lui appartient tout d’abord de privilégier le mode de contrôle le plus respectueux de la vie privée du salarié et de ne recourir à la géolocalisation qu’à défaut d’autres alternatives.

Il est de jurisprudence constante que « l’utilisation d’un système de géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée du travail n’est licite que lorsque ce contrôle ne peut être fait par un autre moyen. »

(Cass. soc., 3 nov. 2011, n° 10-18.036) ; (Cass. Soc. 17 décembre 2014, n° 13-23645)

 

Le dispositif de surveillance doit alors présenter un caractère subsidiaire :

« La géolocalisation d’un véhicule doit être proportionnée au but recherché (…) la mise sous surveillance permanente des déplacements des salariés est disproportionnée lorsque des vérifications peuvent être faites par d’autres moyens, comme c’est le cas en l’espèce, puisque l’employeur pouvait mener des enquêtes auprès des clients que le salarié était censé visiter (…). Il en résulte que la mise en oeuvre du GPS était illégale comme disproportionnée au but recherché et ne peut être admise comme preuve ».

     (CA Agen, 3 août 2005, n° 04-00356)

  1. Le dispositif de surveillance ne doit être ni clandestin ni illicite

L’Article 1 de la loi du 6 janvier 1978, dite loi «Informatique et libertés» dispose que :

« L’informatique doit être au service de chaque citoyen. (…) Elle ne doit porter atteinte ni à l’identité humaine, ni aux droits de l’homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques ».

ll est précisé qu’un système de géolocalisation, est cependant admis lorsque plusieurs conditions sont réunies (norme simplifiée n° 51 du 16 mars 2006 établie par la Commission nationale de l’informatique et des libertés) :

  • L’employeur doit alors effectuer une déclaration auprès de la CNIL.

« Constituent un moyen de preuve illicite les informations collectées par un système de traitement automatisé de données personnelles avant sa déclaration à la CNIL. Dès lors, s’agissant d’une salariée engagée en qualité d’assistante en charge de l’analyse financière des dossiers et licenciée pour utilisation excessive de la messagerie électronique à des fins personnelles, en jugeant le licenciement justifié par une cause réelle et sérieuse, en se fondant uniquement sur des éléments de preuve obtenus à l’aide d’un système de traitement automatisé d’informations personnelles avant qu’il ne soit déclaré à la CNIL, alors que l’illicéité d’un moyen de preuve doit entraîner son rejet des débats, la cour d’appel a violé les articles 2 et 22 de la loi dite « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 et 9 du Code civil 

(Cass. soc., 8 oct. 2014, n° 13-14.991)

  • L’employeur, tenu d’un devoir de transparence, doit impérativement satisfaire à une double exigence d’information :
  • informer individuellement ses employés, préalablement à la mise en œuvre du dispositif, de la finalité poursuivie, des catégories de données traitées, de la durée de conservation des données les concernant, des destinataires ou catégories de destinataires des données, de l’existence d’un droit d’accès, de rectification et d’opposition ( Article L 1222-4 du Code du travail et Article 6 de la loi informatique et liberté)

(Cour d’appel, Rouen,  Chambre sociale, 15 Mai 2012, N° 11/04557)

  • informer les instances représentatives du personnel, préalablement à la mise en œuvre du dispositif ( Article L 2323-32 du Code du travail)

Enfin, la commission de la CNIL rappelle que l’utilisation d’un dispositif de géolocalisation ne doit pas conduire à un contrôle permanent de l’employé concerné.De même, la commission considère que le responsable du traitement ne doit pas collecter des données relatives à la localisation d’un employé en dehors des horaires de travail de ce dernier.

C’est pourquoi la commission recommande que les employés aient la possibilité de désactiver la fonction de géolocalisation des véhicules à l’issue de leur temps de travail lorsque ces véhicules peuvent être utilisés à des fins privées.

A défaut de respecter ces conditions légales, il est de jurisprudence constante que la mise en place d’un dispositif de géolocalisation constitue un procédé illégal et abusif ; de sorte que les éléments recueillis par l’intermédiaire de ces dispositifs de surveillances constituent un mode de preuve illicite et subséquemment  rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

« Si l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité de ses salariés pendant le temps de travail, tout enregistrement, quels qu’en soient les motifs, d’images ou de paroles à leur insu, constitue un mode de preuve illicite »

 (Cour de Cassation, Chambre Sociale, 20 novembre 1991)

« Qu’il a été cependant admis qu’un employeur qui mettait des véhicules à la disposition de ses salariés pouvait collecter un certain nombre de données via le système GPS en fonction de la finalité poursuivie et à la condition de procéder à des formalités préalables au rang desquelles figurent l’information individuelle et préalable des salariés sur la ou les finalités poursuivies, les catégories de données de géolocalisation les concernant, les destinataires ou catégories de destinataires des données, l’existence d’un droit d’accès, de rectification et d’opposition et de leurs modalités d’exercice notamment, l’information et la consultation préalables des représentants du personnel et une déclaration préalable à la CNIL ;

Qu’en l’espèce, la simple production d’une note d’information ne permet pas de s’assurer d’une information individuelle du salarié, faute de toute précision et élément complémentaire sur les modalités de diffusion ou d’affichage de cette note ;

Qu’en outre, il apparaît que le comité central d’entreprise n’a été consulté et n’a donné son avis que le 29 décembre 2011 ; que la lecture du procès-verbal qui a été établi à cette occasion permet d’ailleurs de constater que ce comité n’a été saisi que d’un projet de géolocalisation ;

Que de la même manière la déclaration auprès de la CNIL n’est intervenue que le 5 décembre 2011, soit encore une fois postérieurement aux faits reprochés ;

Qu’à cet égard, il ne ressort nullement, comme le prétend l’employeur, des deux délibérations de la CNIL du 16 mars 2006 que les chauffeurs routiers ne seraient pas justiciables de la déclaration du système de géolocalisation ;Qu’il en résulte donc que l’employeur n’a pas satisfait aux formalités préalables sus-visées et a contraire mis en place, avant même de procéder aux déclarations et consultations obligatoires, le dit système en toute illégalité, de sorte que le moyen de preuve fourni ne peut être retenu ;

Que faute pour l’employeur d’asseoir ses griefs sur d’autres éléments, il conviendra de constater que le licenciement opéré, non seulement ne repose pas sur une faute grave mais est dépourvu de cause réelle et sérieuse, étant observé que Monsieur V.. dans son attestation se borne à faire état de son analyse des données issues du système en tant que responsable d’exploitation et étant précisé que le fait que d’autres salariés dont la cour ne connaît pas de la situation particulière n’aient pas contesté le bien-fondé de leur licenciement opéré prétendument dans des conditions similaires est indifférent à la solution du présent litige ».

 (Cour d’appel, Bastia, Chambre sociale, 17 Septembre 2014, n° 13/00244)